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7 février 2013 4 07 /02 /février /2013 23:00

Un aventurier de onze ans

Natif de Nantes (1828.1905), Jules Verne aurait voulu s’embarquer comme mousse, à l’âge de 11 ans, sur un navire en partance pour les Indes mais son père l’aurait ramené manu militari à la maison…

 

Une vocation d'écrivain

Ce n’est qu’en 1849, l’année de ses 20 ans, que son père l’autorise à quitter la maison mais pour étudier à Paris. Ce que Papa Verne ignore, c’est que le dessein secret de son fils n’est pas d’apprendre le droit mais de devenir auteur de théâtre !

 

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En 1850, alors qu’il vient de passer sa thèse pour reprendre la succession de son père, il s’insurge : il sera écrivain ! Avec l’aide de Dumas, il fait jouer sa première comédie, Pailles rompues et publie deux ans plus tard Un Voyage en ballon.

 

Tout sauf un mari modèle !

Suite à plusieurs déceptions amoureuses, Jules fait partie d’un groupe de célibataires appelé les “Onze sans femme”. Cependant, tous les vieux garçons ayant fini par se caser, en 1857, il épouse Honorine. Mais lorsque cette dernière est sur le point d’accoucher, il ne trouve rien de mieux que partir en voyage en Scandinavie !

 

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Les liens entre Jules et son fils se tisseront difficilement. Dévoré par son œuvre, Jules néglige sa famille.

 

Un éditeur qui croit en son écrivain !

1862 : Jules, qui a 34 ans, présente à l’éditeur Hetzel Cinq semaines en ballon. L’éditeur lui fait signer un contrat de 20 ans !  

 

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Le succès du roman est extraordinaire. Si, bien qu’à partir de 1864, Jules abandonne les autres travaux pour se consacrer à son œuvre, sa fameuse série des Voyages Extraordinaires, auxquels il consacrera 40 ans ! 44 volumes où il adapte les inventions de son époque pour écrire des romans palpitants, animés par des héros inoubliables, comme le Capitaine Nemo ou Phileas Fogg.

 

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Un des pionniers de la science-fiction

 C’est le roman De la terre à la lune qui marque, en 1865, la naissance de ce nouveau genre, suivi par L’Ile mystérieuse ou Vingt mille lieues sous les mers.

 

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Un bureau d’écrivain dans la cabine d’un bateau

Après un grand voyage en Amérique, Jules achète en 1868 un bateau, le Saint-Michel (il y en aura deux autres, le II et le III), dans lequel il va non seulement installer son bureau mais aussi effectuer, pendant quinze ans, de nombreux voyages dans l’Atlantique et en Méditerranée.

 

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Il s’installe à Amiens. En 1872, Le Tour du monde en quatre-vingt jours est un triomphe. Il a acquis la gloire littéraire. Il donne même un bal costumé sur le thème de la terre à la lune.

 

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1886 : les malheurs s’enchaînent

Dans des circonstances demeurées mystérieuses, son neveu lui tire dessus. Jules demeure boiteux, ce qui le contraint à se sédentariser. Sur ces entrefaites, Hetzel meurt.

 

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Un auteur prolifique

Les quinze dernières années de la vie de Jules Verne sont assombries par ses problèmes de santé, dont le diabète. Mais qu’on ne s’y trompe pas : cela ne l’empêche pas de publier presque un roman par an jusqu’à sa mort !  

 

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Une œuvre géniale

 62 romans, 18 nouvelles, 15 pièces de théâtre, des poèmes (sa passion) ! Quel génie, ce Jules ! 

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Un écologiste avant la lettre

Dans 20 000 lieues sous les mers, Nemo explique à Ned Land :  En détruisant la baleine australe comme la baleine franche, êtres inoffensifs et bons, vos pareils, maître Land, commettent une action blâmable. C'est ainsi qu'ils ont déjà dépeuplé toute la baie de Baffin, et qu'ils anéantiront une classe d'animaux utiles. Laissez donc tranquilles ces malheureux cétacés...

  (voir le site http://clec.uaicf.asso.fr/recherches_patrimoniales/jules_verne.htm

 

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31 janvier 2013 4 31 /01 /janvier /2013 15:23

Bon, rendons à César ce qui lui appartient, certaines parties de ces textes sont du copié-collé de documents trouvés sur Internet : je les ai remaniés pour en faire un résumé pédagogique et les rendre ainsi facilement accessibles à mes élèves... Quant aux illustrations, elles viennent aussi d'Internet, merci à ceux et celles qui les y avaient  mises...

roi

Quand se passent les Romans de la Table Ronde ?

La légende arthurienne ou cycle arthurien est un ensemble de textes écrits au Moyen-âge autour du roi Arthur, qui aurait vécu au Ve siècle. De  nombreux auteurs, dont certains anonymes, ont écrit sur la matière de Bretagne, entre le VI e et le XVe siècle, en particulier Geoffrey de Monmouth et Chrétien de Troyes, au XIIe siècle. Cela explique que les récits comportent de nombreuses variantes

Où se passent les romans de la Table Ronde ?

Ils se passent dans le royaume de Bretagne ou royaume de Logres, regroupant l'actuelle Angleterre, le pays de Galles et l'Armorique (Bretagne ).

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Quels sont les lieux mythiques du Cycle arthurien ?

La forêt de Brocéliande

Brocéliande est une forêt mythique de la légende arthurienne, où se déroulent de nombreux récits mettant en scène Merlin, les fées Morgane et Viviane, ainsi que certains chevaliers de la Table ronde. Brocéliande serait aussi le lieu de la retraite, de l'emprisonnement ou de la mort de Merlin. On l’assimile à la Forêt de Paimpont, en Bretagne

La Fontaine de Barenton

Fontaine miraculeuse de la Forêt de Brocéliande ; elle fait pleuvoir si on met de l’eau sur le marbre ou déclenche des tempêtes.

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L’Ile d’Avalon ou île des pommiers

Ile légendaire habitée par des fées, où a été formée Excalibur, où habite Morgane et où on conduit Arthur après sa mort.

Le château de Tintagel

Il est en Cornouailles ; c’est là qu’habitaient Ygerne et le Duc de Cornouailles ; Arthur y est né mais il n’y a jamais habité (on peut en voir les ruines en Cornouailles).

Le château de Camelot

Camelot était le siège de la cour du roi Arthur. C’est là qu’il tenait sa cour avec la reine Guenièvre et que fut instituée la Table ronde.

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Carduel et Carleon

Deux villes de résidences d’Arthur, qui auraient été situées au pays de Galles.

Quels sont les deux objets magiques ?

L’épée Excalibur

Elle a été formée sur l’Ile d’Avalon et Viviane la donne à Merlin. Avant de mourir, Uter Pendragon la plante dans le rocher dont Arthur la tirera.

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Le Saint-Graal

C’est la coupe dans laquelle Joseph d’Arimathie aurait recueilli le sang du Christ. Il est gardé dans le château du Roi pêcheur, un roi blessé réduit à pêcher dans son étang pour se nourrir.  La quête des chevaliers a pour but de retrouver cet objet mythique.

 

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Qui sont les personnages principaux ?

Merlin l’Enchanteur

Magicien, son rôle est d'aider à l'accomplissement du destin du royaume de Bretagne ou royaume de Logres. Ami du roi Uter Pendragon, il organise, à la mort de ce dernier,  le défi de l'épée Excalibur, qui permet à Arthur, fils illégitime d'Uter, de succéder à son père. Puis, il incite Arthur à instituer la Table ronde afin que les chevaliers qui la constituent puissent se lancer dans des missions, notamment la fameuse quête du Graal.

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À la fin de sa vie, et malgré toutes ses connaissances, Merlin ne pourra rien contre la destinée du royaume de Bretagne et la fin tragique du roi Arthur. Merlin tombe amoureux de la fée Viviane, à qui il confie le secret pour s’attacher un homme à jamais. La fée Viviane entreprend donc de réaliser cette magie, traçant les  neuf cercles autour de Merlin endormi. Merlin est enfermé pour l'éternité dans sa geôle. (Dans la forêt de Paimpont, on peut voir une stèle disant : « Ici a été enfermé Merlin l'enchanteur par la fée Viviane ».)

La fée Viviane ou la Dame du Lac

Elle vit dans la forêt de Brocéliande, dans un palais de cristal, sous les eaux d’un lac, dont on dit qu’il sert de passage secret pour se rendre à l’Ile d’Avalon. Elle enleva le jeune Lancelot, alors qu’il était encore enfant, après la mort de son père le roi Ban de Bénoïc et l’éleva au plus  profond du lac. Elle lui enseigna les arts et les lettres, faisant de lui un chevalier accompli. Elle le mena alors à la cour d’Arthur, à Camelot, pour y être adoubé, et le présenta aux chevaliers de la Table ronde, dont il devint le plus célèbre représentant.

 

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Le roi Arthur

Sa naissance : Uter Pendragon était amoureux d’Ygerne, la femme du duc de Cornouailles. Grâce à une ruse de Merlin, il prend l’apparence du duc et passe la nuit avec Ygerne. Mais il a promis à Merlin de lui donner le bébé né de cette union. A sa naissance, Arthur est donc confié à Anthor, qui l’élève avec son fils Keu.

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Son règne : Après être devenu roi grâce à l’épée Excalibur, qu’il a tirée du rocher (ou de l’enclume), Arthur va épouser Guenièvre. Il habite à Camelot, où siège la Table ronde, offerte par le père de Guenièvre. Son royaume est prospère et il est heureux.

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Les trahisons : La reine Guenièvre et Lancelot sont amoureux l’un de l’autre. Gauvain accuse publiquement la reine d’infidélité. Seul Perceval se présente pour sauver l’honneur de la souveraine mais Lancelot arrive et bat Gauvain. Un peu plus tard, Gauvain indique à Arthur où Guenièvre et Lancelot ont rendez-vous et Arthur les surprend (dans le film de Bormann, Arthur plante l’épée Excalibur entre eux ). Lancelot s’en va et Guenièvre entre au couvent. Trahi par son ami et son épouse, Arthur tombe en dépression et le royaume périclite. Sa demi-sœur, la magicienne Morgane, le drogue pour avoir une relation avec lui et de cette union incestueuse, naîit Mordred, le fils maudit, qu’elle élève dans la haine d’Arthur. 

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La quête du Graal : pour sauver le royaume, Merlin conseille à Arthur de lancer ses chevaliers à la recherche du Graal. Tous partent.  C’est à cette époque que Viviane enferme Merlin à jamais. Les chevaliers ne trouvent pas le Graal sauf Galaad, le plus pur, qui le voit au château du Roi Pêcheur.

 La mort d’Arthur : Morgane conseille à Mordred d’attaquer Arthur, qui va chercher Excalibur, détenue par Guenièvre. Mordred est invincible car sa mère le protège avec des philtres magiques. Mais Arthur parvient à le tuer avec Excalibur. Blessé à mort, Arthur est emporté sur l’ile d’Avalon.

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Lancelot, le chevalier à la charrette

Il est le meilleur des chevaliers de la Table ronde mais son amour coupable pour Guenièvre l‘empêchera de trouver le Graal.

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Champion de la reine, il va la délivrer lorsqu’elle est enlevée par Méléagrant et accepte, pour cela, de monter dans une charrette à bestiaux, monture indigne d’un chevalier. C’est pourquoi on le surnomme “le chevalier à la charrette”. C’est aussi lui qui sauve la reine, condamnée au bûcher pour infidélité, en affrontant Gauvain.

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Après ce combat, il disparaît à jamais de la cour d’Arthur.

Galaad

C’est le fils que Lancelot a eu avec Elaine, la fille du Roi Pêcheur, qui l’avait séduit en prenant l’apparence de Guenièvre grâce à un philtre magique. Connu pour sa pureté, il est le seul à pouvoir s’asseoir sur le siège périlleux de la Table ronde. Au  château du Roi Pêcheur, une apparition lui montre le sang de lance de la crucifixion et il s’en sert pour guérir les plaies du Roi Pêcheur. Il peut contempler les mystères du Saint-Graal. Mais il meurt peu après, ayant accompli sa quête.

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Gauvain

Neveu d’Arthur et cousin d’Yvain, il est un chevalier modèle. Il est présent dans toutes les histoires mais avec un rôle secondaire.

Perceval

Sa mère l’a élevé dans la forêt, loin du  monde de la chevalerie car elle a perdu son époux et ses autres fils à la guerre. Pourtant, la première fois où il voit des chevaliers, il rêve d’en devenir un. Adoubé, il devient un des meilleurs chevaliers d’Arthur. Dans Perceval ou le monde du graal, Perceval voit le Graal Château du Roi Pêcheur mais ne pose pas les questions qui lui auraient permis de le prendre.

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5 janvier 2013 6 05 /01 /janvier /2013 23:00

On connaît la célèbre phrase  de Rousseau dans la lettre qu’il envoya à Madame de Francueil pour justifier l’abandon de ses cinq enfants :

Vous connaissez ma situation, je gagne au jour la journée mon pain avec assez de peine ; comment nourrirais-je encore une famille? Et si j'étais contraint de recourir au métier d'auteur, comment les soucis domestiques et les tracas des enfants me laisseraient-ils, dans mon grenier, la tranquillité d'esprit nécessaire pour faire un travail lucratif ? Les écrits que dicte la faim ne rapportent guère et cette ressource est bientôt épuisée.

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Que faut-il comprendre dans cette phrase ? Personnellement, ce que j’y devine dans l’implicite, c’est quelque chose comme : « Si j’avais dû écrire pour gagner ma vie, je devais renoncer à l’écriture ou du moins je n’aurais écrit que des œuvres banales »… Ah, mon cher Jean-Jacques, la vérité est là, travailler pour nourrir tes enfants aurait constitué un obstacle à ton œuvre !

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A moins d’avoir la chance, comme quelques privilégiés d‘autrefois, de posséder ce que l’on nommait une « fortune familiale » ou d’être marié à une personne « riche »,  un des principaux sujets de torture des écrivains est en effet la nécessité de gagner leur vie. Balzac boit des litres de café pour rester éveillé et avoir la force d’écrire la nuit, jusqu’à quatre heures du matin, les épisodes de romans feuilletons qui seront publiés au matin dans le journal et qui lui assurent un gagne-pain.

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Aujourd’hui en France, un écrivain gagne entre 1.50 et 2.50 euros par livre vendu. Quand le livre sort, 1’écrivain perçoit une avance ou « à-valoir », dont le montant dépend de sa notoriété. Un an plus tard, il touche ses droits d’auteur sur la vente du livre, de 8 à 12 % selon son succès.

Un article de Rue 89 Eco ( http://www.rue89.com/2008/11/09/comment-les-ecrivains-francais-gagnent-leur-vie), signé par Hubert Arthus et David Servenay, en 2008, analysait la situation : en France, environ 150 écrivains vivent aujourd’hui confortablement de leur plume, comme Anna Gavalda, Fred Vargas et Amélie Nothomb, Christian Jacq, Jean d’Ormesson, Marc Lévy, Michel Houellebecq, Bernard Weber et Jean-Christophe Grangé. Mais, d’après cet article, 98% des écrivains français se voient dans l’obligation d’exercer un autre métier, souvent lié à la littérature (édition, journalisme, professeur…).

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Le dilemme entre travailler ou s’enfermer pour écrire a-t-il une conséquence sur la carrière des écrivains ? Selon toute logique, il semble évident que l’écrivain devant exercer un gagne-pain autre que l’écriture écrit « moins » en quantité que celui ou celle qui se consacre entièrement à son œuvre. Mais Balzac n’a-t-il pas écrit 91 romans sans jamais cesser de travailler ? Il est vrai que notre cher Honoré possédait un don des dieux : le génie !

Alors, comment font les écrivains qui parviennent à écrire tout en exerçant une activité professionnelle ? Voilà quelques pistes pour ce véritable tour de force :

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Une motivation exceptionnelle : vouloir écrire coûte que coûte, avoir la certitude de réaliser sa vocation, soit préférer l’écriture à toute autre activité ! Un écrivain n’est jamais  « en vacances » au sens où les autres personnes comprennent ce mot. Les plus belles vacances, c’est écrire 18 heures sur 24 !

 

Le sens du sacrifice : éviter de se laisser aller à la facilité en préférant s’affaler devant la télévision pour évacuer sa fatigue plutôt que d’aller écrire.  

  

Une formidable organisation du temps : apprendre à utiliser chaque seconde de sa vie pour écrire, écrire dans le bruit, écrire en préparant le repas, écrire dans le métro, écrire dans les situations où personne ne pourrait imaginer que l’écrivain est en train de le faire !

Un entourage compréhensif : c'est-à-dire un conjoint possédant suffisamment d’intérêts personnels dans sa propre vie pour être capable d’assumer les heures d’isolement de l’écrivain.

« L’écriture, c’est donc une galère ! »  allez-vous dire. Vous aurez sans doute raison. Reste à savoir pourquoi certains d’entre nous la choisissent. Cela  amènera un autre sujet de réflexion dont la réponse est bien mystérieuse : pourquoi devient-on écrivain ?

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11 décembre 2012 2 11 /12 /décembre /2012 23:00

 

 Quand on parle de cet immense écrivain qu’était Gustave Flaubert, c’est le titre Madame Bovary qui s’impose, même aux néophytes en littérature. Pourtant, le Flaubert qui enchanta ma jeunesse et qui joua le plus grand rôle dans ma vocation d’écrivain, n’est pas celui de cette œuvre réaliste, qu’il se « força » à écrire pendant cinq ans dans les affres, comme en témoigne sa correspondance, mais bien plutôt celui de ses œuvres de cœur, comme L'Education sentimentale.

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Daguerréotype représentant Gustave Flaubert

 

L’an dernier, à la même date, je vous ai raconté la passion de Flaubert pour Elisa Schlésinger, rencontrée en 1836 (il a 15 ans) et inspiratrice de ce merveilleux roman, dans la lignée du Lys dans la vallée, de Balzac ou Volupté, de Sainte-Beuve.

 

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12 décembre : Anniversaire de la naissance de Gustave Flaubert

 

Louise et Gustave : la Muse et "l'homme plume"  

 

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Claude Monet, "Camille sur la plage à Trouville", 1870. Ce tableau pourrait illustrer la rencontre entre Flaubert et Elisa Schlésinger...

 

Cet amour, sa « chambre royale », sera en effet à l’origine des Mémoires d’un fou, qu’il écrivit à dix-sept ans, puis de Novembre, en 1842 (il a 21 ans) et enfin, des deux versions de L’Education sentimentale, en 1845 et 1869. Eh oui, Flaubert aura écrit quatre fois, sous des formes différentes, le récit de cette irrépressible passion qui bouleversa sa jeunesse et dont il garda la nostalgie sa vie durant.

 

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Maison de Flaubert, Croisset, aujourd'hui disparue, sauf pour un petit pavillon

 

Voilà, à mon avis, une des plus belles pages de la seconde version, lorsque Frédéric, accompagnant Madame Arnoux dans la rue, se promet de lui déclarer son amour mais n'y  parvient pas...  Certes, il ne s’y passe « rien », mais c’est si beau… 

 

On n’y voyait plus ; le temps était froid, et un lourd brouillard, estompant la façade des maisons, puait dans l’air. Frédéric le humait avec délices ; car il sentait à travers la ouate du vêtement la forme de son bras ; et sa main, prise dans un gant chamois à deux boutons, sa petite main qu’il aurait voulu couvrir de baisers, s’appuyait sur sa manche. À cause du pavé glissant, ils oscillaient un peu ; il lui semblait qu’ils étaient tous les deux comme bercés par le vent, au milieu d’un nuage.

L’éclat des lumières, sur le boulevard, le remit dans la réalité. L’occasion était bonne, le temps pressait. Il se donna jusqu’à la rue de Richelieu pour déclarer son amour. Mais, presque aussitôt, devant un magasin de porcelaines, elle s’arrêta net, en lui disant :

— « Nous y sommes, je vous remercie ! À jeudi, n’est-ce pas, comme d’habitude ? »

Les dîners recommencèrent ; et plus il fréquentait Mme Arnoux, plus ses langueurs augmentaient.

La contemplation de cette femme l’énervait, comme l’usage d’un parfum trop fort. Cela descendit dans les profondeurs de son tempérament, et devenait presque une manière générale de sentir, un mode nouveau d’exister.

 

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Tableau de Jean Berraud en 1877

 

Les prostituées qu’il rencontrait aux feux du gaz, les cantatrices poussant leurs roulades, les écuyères sur leurs chevaux au galop, les bourgeoises à pied, les grisettes à leur fenêtre, toutes les femmes lui rappelaient celle-là, par des similitudes ou par des contrastes violents. Il regardait, le long des boutiques, les cachemires, les dentelles et les pendeloques de pierreries, en les imaginant drapés autour de ses reins, cousues à son corsage, faisant des feux dans sa chevelure noire. À l’éventaire des marchandes, les fleurs s’épanouissaient pour qu’elle les choisît en passant ; dans la montre des cordonniers, les petites pantoufles de satin à bordure de cygne semblaient attendre son pied ; toutes les rues conduisaient vers sa maison : les voitures ne stationnaient sur les places que pour y mener plus vite ; Paris se rapportait à sa personne, et la grande ville avec toutes ses voix, bruissait, comme un immense orchestre, autour d’elle.

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« Ma vie a été fort plate - et sage - d'actions au moins. Quant au dedans, c'est autre chose ! Je me suis usé sur place, comme les chevaux qu'on dresse à l'écurie ; ce qui leur casse les reins » écrit-il à Elise Schlésinger en octobre 1856…

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10 décembre 2012 1 10 /12 /décembre /2012 23:00

    Malade du cœur, Alfred de Musset ? Au sens propre comme au sens figuré !

 

Né le 11 décembre 1810, il est surdoué et fréquente dès l’âge de 18 ans le Cénacle de Charles Nodier où sa personnalité de petit prodige  lui vaut une belle popularité.

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Alfred, le dandy débauché 

L’année suivante, la publication de son premier recueil de poèmes, Contes d’Espagne et d’Italie (1829), le consacre comme “l’enfant terrible du Romantisme” ; sa soudaine renommée littéraire est accentuée par une réputation sulfureuse, il est connu pour sa vie nocturne dissolue.

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Mais l’échec de sa pièce de théâtre La Nuit vénitienne, en 1830,  le décide à écrire des pièces destinées à être lues plutôt que représentées ; il les réunira plus tard sous le titre Un Spectacle dans un fauteuil.

Un couple mythique, l’écrivaine au cigare et le jeune homme malade des nerfs

Un soir de juin 1833, l’année de ses 23 ans,  lors d’un dîner, Alfred rencontre George Sand (Aurore Dupin), qui, par hasard, est sa voisine de table. George est alors au faîte de la gloire, son roman autobiographique, Indiana, vient de remporter un beau succès de scandale… 

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Cette rencontre  entre deux êtres que tout semblerait séparer sera le début d’une grande histoire d’amour. Ce couple anti-conventionnel (elle a 7 ans de plus que lui, est séparée de son mari, porte des habits d’homme, fume le cigare, affiche sa liberté ; quant à lui, il boit, fréquente beaucoup les filles de joie…) fera couler beaucoup d’encre et deviendra un des symboles de la passion romantique.

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L’amour sombre à Venise

Mais le bonheur n’est pas au rendez-vous. Alors qu’ils sont en voyage à Venise en 1834, Alfred renouvelle ses incartades nocturnes auprès de prostituées vénitiennes, puis, tombe malade. Déçue, George, qui a appelé à son chevet le docteur Pagello, se venge de l’humiliation en trompant Musset avec le bel italien. De scène en scène, de ruptures en réconciliations, le couple se déchire encore une année puis finit par se séparer en 1835. 

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La passion amoureuse comme creuset de l’écriture

Néanmoins,  cette liaison chaotique aura constitué pour les deux écrivains un formidable réservoir d’inspiration : Alfred écrira ses inoubliables drames romantiques, Les Caprices de Marianne, (1833), On ne badine pas avec l'amour (1834), Lorenzaccio (1834). Son cœur meurtri s’épanchera dans son chef-d’œuvre poétique, Les Nuits et il racontera ses amours malheureuses dans un beau roman autobiographique où se reconnaîtront une partie des Romantiques, La Confession d’un enfant du siècle (1836).

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 Quant à George, elle écrira à cette période La Mare au diable, Elle et lui, Histoire de ma vie

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Plantez un saule...

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Désespéré, ravagé par le chagrin d’amour, le mal du siècle, la débauche et l’alcool, malade du cœur, Alfred s’éteint en 1857, à l’âge de 47 ans. Il repose au cimetière du Père Lachaise et conformément à son désir, un saule surplombe sa tombe :

Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière.
J’aime son feuillage éploré ;
La pâleur m’en est douce et chère,
Et son ombre sera légère
À la terre où je dormirai.

 

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Le très célèbre acrostiche "osé", d’Alfred de Musset à  George Sand : attention, comme le dit Musset, le principe de cet acrostiche est, pour en deviner le sens secret, de ne lire que le premier mot de chaque vers…

Quand je mets à vos pieds un éternel hommager
Voulez-vous qu'un instant je change de visage ?
Vous avez capturé les sentiments d'un cœur
Que pour vous adorer forma le créateur.
Je vous chéris, amour, et ma plume en délire
Couche sur le papier ce que je n'ose dire.
Avec soin, de mes vers lisez les premiers mots
Vous saurez quel remède apporter à mes maux.

Réponse de George Sand :


Cette insigne faveur que votre cœur réclame
Nuit à ma renommée et répugne à mon âme.

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30 mai 2012 3 30 /05 /mai /2012 16:08

Tu t’appelais Guillaume, Albert, Vladimir, Alexandre, Apollinaire de Kostrowitzky.
Tu portais le double fardeau d’être un enfant illégitime et un étranger en France.
Tu as écrit tes premiers vers sous le pseudonyme de “Guillaume macabre”.
Ta saison préférée était l'automne.
Tu n’as pas eu ton Baccalauréat.
Pourtant, tu es un des plus grands poètes de la littérature française.

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  Mon pauvre « Mal aimé »

A 21 ans, pour gagner ta vie, tu acceptes un poste de précepteur en Allemagne, dans un château au bord du Rhin. Et tombes amoureux de la jeune gouvernante anglaise, Annie Playden.

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Les colchiques

Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la
Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne (…)

Cette liaison dure deux ans mais Annie se lasse de ta possessivité et finit par te quitter. Tu  iras à Londres pour tenter de la reconquérir mais en vain. La fleur née de ton chagrin, ce sera la merveilleuse « Chanson du Mal aimé » :

 (…) Mon beau navire ô ma mémoire

Avons-nous assez navigué

Dans une onde mauvaise à boire

Avons-nous assez divagué

De la belle aube au triste soir

 

Adieu faux amour confondu

Avec la femme qui s'éloigne

Avec celle que j'ai perdue

L'année dernière en Allemagne

Et que je ne reverrai plus

 

Voie lactée ô sœur lumineuse

Des blancs ruisseaux de Chanaan

Et des corps blancs des amoureuses

Nageurs morts suivrons-nous d'ahan

Ton cours vers d'autres nébuleuses (…)

 

Cher poète du Pont Mirabeau

Tu te mets à fréquenter les peintres, Derain, Vlaminck, Max Jacob et Picasso et prends la défense du Cubisme.

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Apollinaire par Metzinger en 1910.

Grâce à tes nouveaux amis, tu te lies avec l’artiste Marie Laurencin.

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Mais ce grand amour prendra fin en 1912. 

Par Marie Laurencin 1909Apollinaire par Marie Laurencin en 1912.

Il en reste « la chanson triste de cette longue liaison brisée », le poème « Le Pont Mirabeau » :

Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure (…)

 

 Soupçonné, en partie parce que tu es un étranger, d’être complice du vol de La Joconde, tu es incarcéré 4 jours à la Santé en 1911 !

Dynamique chantre du modernisme avec Alcools

C’est en 1913 que tu fais paraître Alcools, un des plus beaux recueils que je connaisse, et dont de nombreuses poésies avaient déjà été publiées dans des revues. Juste avant de signer le « bon à tirer du livre », tu y opères une révolution : tu supprimes la ponctuation, désarticules tes sonnets et coupes certains de tes alexandrins. Tu veux être moderne ! Le premier poème du recueil, « Zone »,  mélange d’ailleurs autobiographie et éloge de la ville moderne :

(…) Tu es seul  le matin va venir
Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues
La nuit s'éloigne ainsi qu'une belle Métive
C'est Ferdine la fausse ou Léa l'attentive

Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie
Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie

Tu marches vers Auteuil tu veux aller chez toi à pied
Dormir parmi tes fétiches d'Océanie et de Guinée
lls sont des Christs d'une autre forme et d'une autre croyance
Ce sont les Christs inférieurs des obscures espérances

Adieu Adieu
Soleil cou coupé

Mon petit soldat français

En 1914, tu t’engages, ce qui te permettra d’acquérir enfin la nationalité française en 1916.  Tu rencontres Louise de Coligny-Châtillon, à qui tu dédieras les Poèmes à Lou.

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 Grièvement blessé à la tête par un éclat d’obus en 1916, tu es trépané.

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Tu te fiances brièvement avec Madelein Pagès, ce qui nous a valu le texte de ta "confession". 

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En 1918, tu  publies les merveilleux Calligrammes...

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 ... puis, tu épouses Jacqueline Kolb, la « jolie rousse » mais ironie du sort, tu meurs de la grippe espagnole la même année ! 

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  Très cher Guillaume Apollinaire, tu ne mourras jamais vraiment, tes vers continueront à enchanter les lecteurs et lectrices, qui, comme moi, t’adorent !  D'ailleurs, au Lycée Masséna, à Nice, en classe préparatoire, c'était la lutte pour s'asseoir à la place supposée être la tienne !

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Léo Ferré a mis en musique  La Chanson du Mal aimé

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Le poème "Les Cloches", illustré par Marc Chagall

 

Pour nous, tu seras toujours "bien aimé" ! 

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Pèlerinage sur ta tombe au Père Lachaise en janvier 2010

 

Ps : presque toutes les illustrations de cet article sont copiées sur Internet, en particulier sur le site officiel "Guillaume Apollinaire", merci aux auteurs...

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11 mai 2012 5 11 /05 /mai /2012 20:10

Hier soir, à Notre Dame de Sion, a été joué pour la première fois en Turquie l’opéra de Rousseau Le Devin du village.  

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Commentaire d’un monsieur : « C’est bien parce que c’est du Rousseau que l’on  écoute une musique aussi monotone. Sinon… »

Commentaire personnel : «  Quel génie, ce Rousseau ! Non content d’être un des plus grands écrivains de la littérature mondiale, il était aussi capable de composer des opéras ! »

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Ah, Jean-Jacques ! A qui ou à quoi pensais-tu en composant cet air délicieux : "J'ai perdu tout mon bonheur"...

Un des musts d’Istanbul : un petit déjeuner à 7h15 au Café  Emek à Yeniköy, près de l’embarcadère où se déploie l’incessant ballet des bateaux de toutes sortes.  Et un petit ami, bien familier…

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Le patron est un Kémaliste convaincu, son Atatürk est très « kitsch » !

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Quelques pas pour admirer le romantique jardin de l’église orthodoxe Panayia Kumariotisa, avec son merveilleux clocher de bois à trois étages…

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La librairie ouvre et installe le nouveau livre d’Orhan Pamuk, sorti aujourd’hui ; je suis la première cliente. Le livre est consacré à “L'innocence des Choses”, c’est à dire à des photos, souvenirs  et objets  visibles dans le fameux “Musée de l’Innocence”…  petit feuilletage dans la voiture : tout cela me semble nostalgique à souhait… je sens que je vais adorer…

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Lors d’une heure de libre entre deux cours, promenade dans le merveilleux parc de Tarabya pour admirer les arbres en fleurs.

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 SAM 1168 Le Pawlonia  exhibe ses grappes bleues.

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Mais celui du jardin de l’ancienne résidence d’été de l’Ambassade d’Angleterre à Tarabya ( qui a brulé en 1913 en même temps que le yalı des Français, a timidement fleuri cette année ; une seule branche… Il semble que la majeure partie de ce majestueux arbre « historique » ait gelé durant l’hiver…

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 Et pour finir, une belle odalisque du peintre Kamil Aslanger…

 

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3 mai 2012 4 03 /05 /mai /2012 22:31

Cette semaine se tient au Lycée Notre Dame de Sion, à l’occasion du tricentenaire de la naissance de Rousseau, le colloque littéraire “Rousseau et la Turquie”, organisé par Martin Stern et  Rémy Hildebrand.

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 L’exposition, inaugurée ce soir, est l’occasion pour les passionnés de Rousseau de découvrir des pièces inédites. Ce que j’ai personnellement le plus aimé ? Des manuscrits de Rousseau, en particulier celui du Contrat social et de La Profession de foi du Vicaire savoyard, qui permettent d'admirer la belle écriture de Jean-Jacques ; des gravures, des partitions mais surtout, un recueil de chansons composées par Rousseau et intitulé : Les Consolations des misères de ma vie ou recueil de romances !  

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Et un portrait d’Atatürk en train de lire Le Contrat social.

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Pour ceux qui l’ignorent encore, précisons que Le Devin du village, opéra de Jean-Jacques, sera joué à Notre-Dame de Sion le jeudi 10 mai et que  le jeudi 31 mai aura lieu un spectacle de récitation de textes  sur de  la musique de Rousseau.

Le Musée de l’Innocence, d'Orhan Pamuk, a ouvert ses portes à Çukurcuma. Je ne manquerai pas de vous en donner bientôt un compte-rendu…

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 Photo du quotidien Hürriyet

Mon coup de foudre du mois, les tableaux du peintre orientaliste Emile Eisman Semenovsky : 

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Une quatrième édition en turc pour La Sultane Mahpéri, et une nouvelle couverture :

Nouvelle édition d'octobre 2011 en français :

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Nouvelle édition mai 2012 en turc mais avec deux couvertures, en fonction des endroits de distribution : la couverture "seldjoukide" (identique à celle de l'édition en français) pour les amateurs d'authenticité et la couverture ci-dessous,  considérée "grand public" :

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 Les amateurs de “Turqueries” apprécieront le rococo  de ces meubles vus chez un brocanteur. “Vendus”. Qui donc a acheté cette colossale salle à manger aux fauteuils de sultan ? le propriéaire d’un yali ?

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Les éditions Everest n'ont pas lésiné sur la réclame du dernier livre d'Ahmet Ümit. Cette publicité flotte comme un immense drapeau au-dessus de Rumeli Caddesi, une des rues les plus fameuses du quartier de Nişantaşı :

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 Et pour finir, un supporter "pur et dur" de l’équipe de  Galatasaray, le gardien des lavabos d'un village de brocanteurs : “ Les toilettes = 50 centimes mais pour les partisans de Fenerbahçe, une lira !”

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14 avril 2012 6 14 /04 /avril /2012 22:00

 Toutes les phrases de cet article sont de Marguerite Duras. Je les ai recopiées sur son beau livre, Ecrire, paru en 1993 aux Editions Gallimard, en respectant la ponctuation (ou l’absence de ponctuation)  originale.

La solitude de l’écriture, c’est une solitude sans quoi l’écrit ne se produit pas, ou il s’émiette exsangue de chercher quoi écrire encore. Perd son sang, il n’est plus reconnu par l’auteur. Et avant tout il faut que jamais il ne soit dicté à quelque secrétaire, si habile soit-elle, et jamais à ce stade-là donné à lire à un éditeur.

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 Il faut toujours une séparation d’avec les autres gens autour de la personne qui écrit des livres. C’est une solitude. C’est la solitude de l’auteur, celle de l’écrit. Pour débuter la chose, on se demande ce que c’était ce silence autour de soi. Et pratiquement à chaque pas que l’on fait dans une maison et à toutes les heures de la journée, dans toutes les lumières, qu’elles soient du dehors ou des lampes allumées dans le jour. Cette solitude réelle du corps devient celle, inviolable, de l’écrit. Je ne parlais de ça à personne. Dans cette période-là de ma première solitude j’avais déjà découvert que c’était écrire qu’il fallait que je fasse. J’en avais déjà été confirmée par Raymond Queneau. Le seul jugement de Raymond Queneau, cette phrase-là : “ Ne faites rien d’autre que ça, écrivez.”

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Ecrire, c’était ça la seule chose qui peuplait ma vie et qui l’enchantait. Je l’ai fait. L’écriture ne m’a jamais quittée.

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 On ne trouve pas la solitude, on la fait. La solitude, elle se fait seule. Je l’ai faite. Parce que j’ai décidé que c’était là que je devais être seule, que je serais seule pour écrire des livres. Ça s’est passé ainsi. J’ai été seule dans cette maison. Je m’y suis enfermée- j’avais peur aussi bien sûr. Et puis je l’ai aimée. Cette maison, elle est devenue celle de l’écriture. Mes livres sortent de cette maison. De cette lumière aussi, du parc. De cette lumière réverbérée de l’étang. Il m’a fallu vingt ans pour écrire ça que je viens de dire là.

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 Tout écrivait quand j’écrivais dans la maison. L’écriture était partout. Et quand je voyais des amis, parfois, je  les reconnaissais mal. Il y a eu plusieurs années comme ça, difficiles, pour moi, oui, dix ans peut-être, ça a duré. Et quand des amis même très chers venaient me voir, c’était aussi terrible. Ils savaient rien de moi, les amis : ils me voulaient du bien et ils venaient par gentillesse croyant bien faire. Et le plus étrange, c’était que je n’en pensais rien.   f.jpg

Ça va très loin, l’écriture… Jusqu’à en finir avec. C’est quelquefois intenable. Tout prend un sens par rapport à l’écrit, c’est à devenir fou. Les gens qu’on connaît on ne les connaît plus et ceux qu’on ne  connaît pas on croit les avoir attendus. C’était sans doute simplement que j’étais déjà, un peu plus que les autres gens, fatiguée de vivre. C’était un état de douleur sans souffrance.

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 C’est curieux, un écrivain. C’est une contradiction et aussi un non-sens. Ecrire, c’est aussi ne pas parler. C’est se taire. C’est hurler sans bruit. C’est reposant,, un écrivain, souvent, ça écoute beaucoup. Ça ne parle pas beaucoup car c’est impossible de parler à quelqu’un d’un livre qu’on a écrit et surtout d’un livre qu’on est en train d’écrire. C’est à l’opposé du cinéma, à l’opposé du théâtre, et autres spectacles. C’est à l’opposé de toutes les lectures. C’est le plus difficile de tout. C’est le pire. Parce qu’un livre, c’est l’inconnu, c’est la nuit, c’est clos, c’est ça. C’est le livre qui avance, qui grandit, qui avance dans les directions qu’on croyait avoir explorées, qui avance vers sa propre destinée et celle de son auteur, alors anéanti par sa publication : sa séparation d’avec lui, le livre rêvé, comme l’enfant dernier-né, toujours le plus aimé.  

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Il y a une folie de l’écriture qui est en soi-même, une folie d’écrire furieuse mas ce n’est pas pour cela qu’on est dans la folie. Au contraire.

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Magazine littéraire, octobre 2011

L'écriture, ça arrive comme le vent, c'est nu, c'est de l'encre, c'est l'écrit, et ça passe comme rien d'autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie.    Image--28-.jpg

Vous trouverez aussi des extraits de Ecrire sur le très intéressant blog de Flora : http://flora.over-blog.org/article-maisons-d-ecrivains-marguerite-duras-99835819.html

 

 

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6 avril 2012 5 06 /04 /avril /2012 22:00

Etant sur le point de me replonger, avec mes classes de Premières, dans l'étude du roman L'Amant, de Marguerite Duras, j'ai donc eu un prétexte pour relire le magnifique livre de Yann Andréa, Cet Amour-là,  consacré à la mémoire de la célèbre écrivaine. Je vous en livre donc ici certains passages… Car ce témoignage bouleversant constitue une des plus belles déclarations d’amour de la littérature française. Rappelons au passage que Yann Andrea fut, durant seize ans, jusqu’à la mort de l'écrivaine,  le dernier compagnon de Marguerite Duras et qu’il avait 38 ans de moins qu’elle.

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Marguerite Duras en 1969, à 45 ans.

C’est l’année de ses vingt ans que Yann Lemaix découvre un des livres de Marguerite : 

J’ai lu le premier livre d’elle à Caen, cette ville où je suis étudiant en philosophie, la khâgne du lycée Malherbe. C’était Les Petits chevaux (…) La première rencontre, c’est donc Les Petits chevaux de Tarquinia, la première lecture, la première passion (...).  

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Et ensuite, j’ai tout quitté, tous les autres livres, Kant, Hegel, Spinoza, Stendhal, Marcuse et les autres. J’ai commencé à tout lire, tous les livres d’elle, les titres, les histoires, tous les mots. (…) Et depuis lors, je ne l’ai plus quittée. C’était fait, Je suis un lecteur absolu : j’ai immédiatement aimé chaque mot écrit. Chaque phrase. Chaque livre. Je lisais, je relisais, je recopiais des phrases entières sur des feuilles, je voulais être ce nom, recopier ce qui était écrit par elle, me confondre, être une main qui copie ses mots à elle. Pour moi, Duras devient l’écriture même. (…) Déjà, je veux la garder pour moi, déjà, je veux la protéger, déjà, elle est avec moi et elle ne le sait pas encore…

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  Marguerite Duras photographiée par Doisneau

Yann se rend alors  en 1975 à une projection du film Indian Song, il boit un pot avec elle et lui demande son adresse. Dès le lendemain, il commence à lui écrire. Cela durera cinq ans et elle ne lui répond jamais.

Et ça commence. Dès le lendemain, j’écris une lettre et je ne m’arrête plus. J’écris tout le temps. Des mots assez brefs, plusieurs fois par jour.

En 1980, elle lui envoie un livre, L’Homme assis dans le couloir, puis d’autres. Finalement, elle lui écrit : « Je viens de terminer Aurélia Steiner pour le cinéma, je crois que l’un des textes est pour vous ». Alors, le 29 juillet 1980, il va la voir à Trouville et elle accepte de le recevoir. Il a 28 ans, il est doux , élégant, homosexuel, il rêve de devenir écrivain, elle en a 66, elle est une écrivaine aimée parfois jusqu'à l'adulation, alcoolique, égocentrique et possessive. Elle le débaptise et lui donne le nom de Yann Andréa.

Je dis ceci : dans l’émerveillement de la rencontre, pendant le désormais fameux été 80, il y a la voix. Sa voix. Sa façon de dire entièrement les mots, la façon d’aller chercher le mot, de trouver le mot juste, le mot vrai, de laisser le mot arriver jusqu’à la bouche en passant par le silence de la pensée. (...)

Je suis ici. Avec elle. Je reste. Je ne vous quitte pas. Je reste. Je suis enfermé avec vous dans cet appartement suspendu au-dessus de la mer. (…) En septembre 80, les chroniques hebdomadaires pour Libération sont publiées aux Editions de Minuit. Le livre s’appelle L’Eté 80. Il m’est dédié. Désormais, je porte le nom de Yann Andréa.  

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 Yann Andréa abandonne toutes ses activités pour se consacrer à l’œuvre de Marguerite en tapant sous sa dictée, par exemple, le texte de L’Amant :

J’attends les mots, je tape sur cette machine à écrire que j’aime beaucoup une machine noire, haute, une machine à écrire de la guerre, m’avez-vous dit. Et nous sommes avec la petite au chapeau d’homme et aux souliers de pute, en lamé, vous, accoudée au bastingage, et dans quelques secondes, il va vous proposer une cigarette (….) On peut réciter le texte par cœur, on connaît l’histoire et cependant, non, on la découvre  tandis que vous me dictez les mots de l’histoire. On est émerveillé. On dit oui, encore, on applaudirait presque, comme au théâtre (…)

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Marguerite Duras en 1991

La relation se perpétue, oscillant entre bonheur et douleur, alternant séparations et retrouvailles.  Yann est devenu l'ami, l'amant, le secrétaire, le chauffeur, la gouvernante de Marguerite. Plus tard,  il sera aussi son infirmier et s'occupera d'elle jusqu'au bout.

Elle me tient enfermé dans la chambre noire. Ne supporte pas que quelqu’un d’autre puisse me regarder. Elle veut être la préférée. La seule. A tous. A tout le monde. Et moi de la même façon, je suis le préféré. On se plaît. On se plaît infiniment. On se plaît absolument. On se plaît pour toujours, de toujours à toujours et pour toujours. On le sait. On ne le dit pas. Surtout ne pas le dire. Ecrire simplement. Faire des livres, écrire des histoires, des histoires d’amour. (…)

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1993

Je suis transporté dans cette histoire du jour au lendemain, comme si elle avait toujours commencé, comme si l’histoire, je l’avais prise en route, elle m’embarque dans son histoire, ses histoires, et quelle histoire, on ne sait pas, moi je ne sais rien, j’essaie de suivre, je ne comprends que très peu ce qui arrive, je sais simplement que je suis là, avec elle, depuis avant toujours et jusqu’à toujours.  Je n’y peux rien. Elle n’y peut rien. On n’est en rien responsable, elle et moi, on est comme deux enfants posés dans le monde. (...)

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Le couple dans les années 90

Après la mort de Marguerite, Yann écrit :

Et cependant, comment le croire, comment croire que c’est possible, que vous n’êtes plus là à me regarder, ce n’est pas possible, ce n’est pas la vérité puisque c’est moi qui vous écris désormais, à vous, donc rien ne change, donc vous êtes là, avec moi, dans la même séparation.

J’entends ceci,  vous riez et on rit ensemble, together, oui, on se marre de cette blague, vous morte, moi vous écrivant, moi qui écris. On aura tout vu, ça alors ! Et on rit encore.

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Livre publié en 1999, trois ans après la mort de Marguerite.

Ps : Presque toutes les illustrations de ce texte sont copiées sur Internet, merci à ceux qui les y ont mises...

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Livres de Gisèle Durero-Köseoglu

2003 : La Trilogie d’Istanbul I,  Fenêtres d’Istanbul.

2006 : La Trilogie d’Istanbul II, Grimoire d’Istanbul.

2009 : La Trilogie d’Istanbul II, Secrets d’Istanbul.

2004 : La Sultane Mahpéri, Dynasties de Turquie médiévale I.

2010 : Mes Istamboulines, Récits, essais, nouvelles.

2012 : Janus Istanbul, pièce de théâtre musical, livre et CD d’Erol Köseoglu.

2013 : Gisèle Durero-Köseoglu présente un roman turc de Claude Farrère,  L’Homme qui assassina, roman de Farrère et analyse.

2015 : Parution février: Sultane Gurdju Soleil du Lion, Dynasties de Turquie médiévale II.

 

 

 

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