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5 décembre 2010 7 05 /12 /décembre /2010 07:04

  Un jour de septembre 1983, je me suis embarquée sur un ferry-boat appelé l’« Istanbul », qui effectuait l’aller-retour entre Marseille et Izmir. Ce fut le premier jour de ma nouvelle vie. Un accouchement ou une renaissance. Je tournais une page. Repartir à zéro. S’habiller d’une autre peau. Je ne savais pas si elle serait plus confortable que l’ancienne. Mais je voulais la revêtir.

 

Galata Köprüsü. Yayımcı Max Fruchtermann, .21.

Méditerranéenne, fille de la Côte d’Azur et de Provence, je venais de subir un an d’exil dans les brumes du Pas-de-Calais, ma première mutation de professeur. Les trois jours de navigation en pleine mer me permettaient de dresser le bilan de ma vie. Le bilan. Enfin... Ou, déjà. Je me penchais sur ma prime jeunesse  et se dressaient dans ma mémoire les monolithes de ce que je considérais comme mes échecs. Un des plus blessants pour mon amour-propre, écrivaine ratée. A mon actif, à cette époque, quatre recueils de poésies entassés dans mes tiroirs et  un coup de couteau dans le cœur, le refus de Gallimard de les éditer. Plus un premier roman inachevé, que j’avais l’intention de finir en Turquie. Je me disais donc que je n’avais rien à perdre. Sur le plan professionnel, j’avais trouvé un poste dans un lycée franco-turc d’Istanbul. De toute façon, rien ne pouvait être pire que ma solitude dans le Nord de la France. Sur le plan sentimental, j’avais peut-être enfin trouvé l’amour mais loin, trop loin...

 

Sarayburnu, M. İsraelowitz.

Parfois, je montais sur le pont du ferry-boat et je restais appuyée au bastingage à regarder les vagues. Je rêvais, je méditais. Puis, j’allais dans ma cabine et je brodais des violettes, ma fleur préférée, sur un napperon.

Le dernier jour de la traversée, j’ai mis une robe rouge à pois blancs et dès l’aube, suis allée me poster à l’avant du bateau, pour jouer à la figure de proue. Je voulais voir s’approcher peu à peu la terre où j’allais tenter de me transplanter, ne serait-ce que pour quelques mois. Consciente du risque. Quand le ferry-boat a pénétré dans le port d’Izmir, je tentai de distinguer sa silhouette, de l’apercevoir. Lui. Celui pour lequel j’étais venue. Je me demandais ce qu’il devait penser en cet instant précis. Que peut ressentir un homme attendant une femme qui vient de tout quitter pour lui et qui arrive, un matin de septembre, avec sa voiture bourrée de livres et de quelques bibelots, inséparables témoins de ma route ? Importance ? Incertitude ? Peur de s’être un trop engagé ? Je le savais, ses doutes n’étaient pas moindres que les miens...

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commentaires

L
<br /> <br /> J'espère que l'on saura la suite ...<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Cet extrait, déjà lu, m'émeut toujours autant ; le destin nous a conduites vers ce pays, par différents chemins ; Istanbul nous a ensorcelées pour notre plus grand bonheur.<br /> <br /> <br /> <br />
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G
<br /> <br /> Merci Marie-Claude, je réponds bien en retard mais vos paroles me touchent beaucoup, je suis heureuse si mes écrits servent de porte parole aux sentiments d’autres<br /> personnes<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> Je viens de lire ce message... et de constater qu'en dehors de notre amour pour Istanbul, nous avons aussi vous et moi un autre point commun, celui d'avoir connu un an d'exil dans le froid pas de<br /> calais (moi un peu plus) que nous avons quitté pour la ville des villes... Le hasard nous fait parfois prendre les mêmes chemins et nous rencontrer (bientot je l'espère). Reste à savoir si je<br /> resterais ici aussi longtemps que vous ! Mais là seul Allah le sait ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> J'ai relu cet extrait avec autant d'émotion et me suis remémorée les premiers jours de ma seconde vie, mon voyage aller vers cette Turquie qui m'a accueillie, tout comme toi...<br /> <br /> <br /> <br />
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  • : Gisèle Durero-Koseoglu, écrivaine d’Istanbul
  • : Bienvenue sur le blog de Gisèle, écrivaine vivant à Istanbul. Complément du site www.giseleistanbul.com, ce blog est destiné à faire partager, par des articles, reportages, extraits de romans ou autres types de textes, mon amour de la ville d’Istanbul, de la Turquie ou d'ailleurs...
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  • La Trilogie d'Istanbul : Fenêtres d’Istanbul, Grimoire d’Istanbul, Secrets d’Istanbul. La Sultane Mahpéri, Mes Istamboulines, Janus Istanbul (avec Erol Köseoglu), Sultane Gurdju Soleil du Lion.
Contributions : Un roman turc de Claude Farrère, Le Jardin fermé, Un Drame à Constantinople...
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Livres de Gisèle Durero-Köseoglu

2003 : La Trilogie d’Istanbul I,  Fenêtres d’Istanbul.

2006 : La Trilogie d’Istanbul II, Grimoire d’Istanbul.

2009 : La Trilogie d’Istanbul II, Secrets d’Istanbul.

2004 : La Sultane Mahpéri, Dynasties de Turquie médiévale I.

2010 : Mes Istamboulines, Récits, essais, nouvelles.

2012 : Janus Istanbul, pièce de théâtre musical, livre et CD d’Erol Köseoglu.

2013 : Gisèle Durero-Köseoglu présente un roman turc de Claude Farrère,  L’Homme qui assassina, roman de Farrère et analyse.

2015 : Parution février: Sultane Gurdju Soleil du Lion, Dynasties de Turquie médiévale II.

 

 

 

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